[LES PROJETS DES AMBASSADEURS]
Coup de projecteur sur… "Une histoire française de la Prohibition", un film de l'Ambassadeur FIER SPM Freddy THOMELIN.
Le XVIIIe amendement de la Constitution des Etats-Unis a initié la prohibition. Ratifié le 16 janvier 1919, il interdisait la production, l’importation et la consommation d’alcool aux Etats-Unis. Cette période fut marquée par un important trafic d’alcool qui transitait en partie par Saint-Pierre-et-Miquelon.
A travers son film, Freddy THOMELIN retrace cette période faste de l’histoire locale.
FIER SPM : Freddy THOMELIN, « Une histoire française de la Prohibition » a été diffusé le dimanche 17 mars sur la chaîne nationale France Ô. Pourquoi avoir choisi cette thématique ?
FT : Tout simplement parce qu’au même titre que l’histoire de la grande pêche et de la France libre, la Prohibition fait partie intégrante de la Grande Histoire de Saint-Pierre-et-Miquelon, elle fait aussi partie de l’histoire de France et c’est précisément ce que montre ce film.
La Prohibition a fait entrer l’archipel dans le trafic d’alcool entre la France et l’Amérique et on en parle encore aujourd’hui, alors que cela n’a duré qu’une quinzaine d’années !
FIER SPM : Vous aviez déjà réalisé un travail important de recherche à l’occasion de l’écriture de votre livre « Gentleman Bootlegger », avez-vous eu besoin de revenir sur l’archipel pour consulter les archives locales ?
FT : Le livre est sorti en 1984 aux Presses de la Cité, il a rapidement été épuisé. Pour répondre à la demande de bon nombre de lecteurs et en particulier de lecteurs locaux, j’ai décidé de le rééditer en 2017 (1) en y ajoutant une centaine de pages afin de présenter mes recherches depuis 1986 jusqu’à aujourd’hui.
Ce qui m’intéressait, c’était d’aller voir ce qui était resté caché sous le tapis.
C’est au cours d’un séjour dans l’archipel, avec Rodrigue Girardin et Lauriane Detcheverry, que nous avons exhumé le rapport Gayet, devenu une pièce maîtresse par son importance juridique : ce rapport a servi de colonne vertébrale au film.
Durant mes séjours à Saint-Pierre-et-Miquelon, j’ai rencontré de nombreux Saint-Pierrais et Miquelonnais afin de recueillir les témoignages « d’anciens» qui ont gardé une mémoire vive, des souvenirs précis de la période 1922-1935, même s’ils n’étaient à l’époque que de tous jeunes enfants.
FIER SPM : une partie des alcools expédiés à Saint-Pierre-et-Miquelon venait de Bordeaux, la ville où vous habitez aujourd’hui : l’histoire de la Prohibition est ancrée en vous ! Comment se sont passées les recherches dans cette ville métropolitaine ?
FT : Pour compléter la manne d’informations recueillie dans le rapport Gayet, j’ai dû prolonger cette enquête sur le terrain pour comprendre d’où venaient de métropole les alcools qui allaient ensuite arroser les gosiers devenus secs des Américains et des Canadiens. Il faut savoir qu’à l’époque, la capitale de l’Aquitaine était le premier port d’armement français !
Après avoir consulté les archives à la mairie de Bordeaux, au musée des Douanes, à la Chambre de commerce et d’industrie, j’ai vite compris que le port de la Lune était devenu à cette époque un des principaux ports européens pour l’exportation d’alcool et précisément de cognac, d’armagnac, de liqueur et de vin, même si les clients des fameux « speakeasies » (bars clandestins) préféraient nettement le whisky, le gin, le rhum et tous les alcools forts.
FIER SPM : quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de la réalisation de ce film ?
FT : D’abord - et ce n’est pas une nouveauté - la première difficulté a été l’éloignement, même si aujourd’hui on peut fort heureusement se rendre plus facilement dans l’archipel qu’il y a vingt-cinq ou trente ans.
Ensuite, la documentation sur la Prohibition est très rare du côté français ; c’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle - lors de la rédaction de « Gentleman Bootleger » - j’avais pris comme ligne éditoriale le témoignage d’Henri Morazé, l’histoire de ce Saint-Pierrais devenu bootlegger. Depuis la réédition de l’ouvrage, beaucoup de locaux m’ont indiqué que cela avait permis de briser l’omerta sur « la Fraude », comme on nomme localement cette période de l’histoire.
Enfin, il a fallu poursuivre, parfois à distance, les échanges avec les Saint-Pierrais et Miquelonnais, que je tiens ici à remercier pour leurs témoignages précis sur des éléments importants de l’histoire. Ils m’ont notamment renseigné sur la façon dont étaient transportées les caisses : à un moment donné, les camionnettes ne suffisaient plus et, l’hiver, on utilisait des traîneaux tractés par des chevaux, des bœufs ou des chiens. C’est de cette façon que j’ai découvert que le bois des caisses d’alcool, vides, qui jonchaient le port étaient ramassées par les habitants pour faire du chauffage et parfois aussi, pour la construction de maison !
Ces anecdotes sont devenues des informations précieuses qui ont enrichi le film !
Merci encore aux Saint-Pierrais et Miquelonnais pour la qualité de leurs témoignages. Sans ces femmes et ces hommes, je n’aurais jamais pu réaliser ce film qui est avant tout un documentaire historique !
FIER SPM : Le documentaire « Une histoire française de la Prohibition » a été diffusé en avant-première sur SPM 1ère en décembre dernier, comment a-t-il été accueilli localement ?
FT : Ce film est ma passion actuelle. Toutes les étapes (préparation, tournage, production) ont été jubilatoires. Au cours de ma carrière de journaliste, j’ai fait de belles rencontres mais cette réalisation est probablement une de mes plus belles expériences professionnelles. Cela est certainement lié aux liens affectifs qui me lient à ces îles d’exception.
La diffusion du film, le 27 décembre dernier sur SPM 1ère, a été un beau cadeau de fin d’année. Gilles Derouet, le directeur d’antenne, m’a indiqué avoir reçu beaucoup de témoignages positifs et, à la demande des téléspectateurs locaux, il a été rediffusé le dimanche suivant.
FIER SPM : une avant-première a eu lieu le 12 mars dernier à Bordeaux, comment le film a-t-il été accueilli ?
FT : En effet, le mardi 12 mars dernier, près de 180 personnes se sont retrouvées à l’UGC Ciné-Cité de Bordeaux pour une avant-première nationale. Outre les nombreux journalistes et personnalités du monde politique et économique, les Saint-Pierrais et Miquelonnais présents ont pu découvrir cette face cachée de leur histoire.
André Frioult - un des grands témoins du film - était présent dans la salle, entouré de ses filles, Anne-Christine, Brigitte et Catherine. Lorsqu’il est monté sur scène, il a reçu une véritable ovation.
Pour moi, ces applaudissements couronnaient la mémoire exceptionnelle d’André Frioult, mais aussi un aspect du film qui m’est cher : la transmission. La conservation du patrimoine immatériel repose sur la transmission continue des connaissances et des savoir-faire aux générations de demain. Par leurs souvenirs et leurs prodigieuses mémoires, ces témoins ont ainsi fait perdurer une page importante de l’histoire du « Caillou ».
(1) « Gentleman Bootlegger » de Freddy THOMELIN est disponible aux Editions de l’Océan : chris-thomelin@wanadoo.fr ou 06.82.00.77.04.
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